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B comme Bâdguir, le double effet « kiss cool »

Les capteurs de vent du Complexe Amir-Chaghmagh à Yazd. © Jean Vannière.

Brrrr… Fujitsu, LG, Mitsubishi, Panasonic, Toshiba et autres fabricants de clims peuvent bien aller se rhabiller, au sens propre comme au figuré ! Place au bâdguir, l'attrape-vents dont le nom, aussi évocateur que poétique, désigne les tours émergeant des villes basses de certains déserts. Le bâdguir est une sorte de cheminée qui fonctionnerait à l’envers, une tour rectangulaire, hexagonale ou octogonale percée et exposée de façon à intercepter les vents qui soufflent à son sommet. Encore faut-il qu’ils ne soient pas brûlants, moins, en tout cas, que l’air stocké à l’intérieur. Ces constructions millénaires ont été pensée pour capter les courants les plus froids, et permettent d'apporter un air vif et frais dans les logis sous la chaleur de l’été indien… ou plutôt iranien ! C’est dans la région de la Perse historique en particulier à Yazd, ville « du désert » et « capteurs de vent », qu’ont été construits les plus beaux bâdguirs. Le palais Dowlat-Âbâd y abrite le plus haut du monde, dont la colonne octogonale s’élève à 35 mètres. La plupart mesurent plutôt de 5 à 20 mètres, taille optimale pour un refroidissement de 13 degrés celsius à la base.

Simple et efficace
Deux principes, l’un climatique, l’autre mécanico-thermique, confèrent aux bâdguirs leur simplicité et leur génie écologique. Susan Roaf, architecte, écologue et enseignante à Oxford, s’est prise de passion pour ces édifices, jusqu’à leur consacrer une thèse et un ouvrage, Ecohouse, explorant les techniques architecturales vernaculaires au service de la transition écologique au XXIème siècle. Tout est pensé pour accentuer l'effet réfrigérant : leur matériau, de l'adobe, un mélange d'argile et de paille isolant, leur forme longue et étroite qui oriente la circulation descendante de la moindre brise d’air jusqu’à la base de l’édifice creux. Au contact de la cavité plongée en permanence dans la pénombre, l'air se rafraîchit. En l’absence de vent, le second effet, l'effet « cheminée», prend le relai. La dépression créée par la différence de température fait remonter l’air chaud dans les pièces de la maison et dans la tour. Il s’en échappe en créant un courant d’air qui ventile les pièces reliées à la base du bâdguir.

Simple et sain
L’effet réfrigérant est encore plus efficace si le bâdguir est relié à un « qânât », canal sous-terrain approvisionnant les habitations des zones désertiques en eau potable au contact de laquelle l’air se refroidit. À la base des bâdguirs les plus performants et avant l’apparition des congélateurs, les familles bourgeoises iraniennes avaient d’ailleurs aménagé des « yakhtchals », pièces isolées par des murs de plusieurs mètres d’épaisseur, dans lesquelles on parvenait à conserver de la glace ! En plein été, dans des villes du désert où le thermomètre peut monter jusqu’à 50 degrés, le bâdguir garantit ainsi une température avoisinant les 15 degrés au niveau de l’orifice distribuant l’air réfrigéré au rez-de-chaussée. La qualité de l'air sans cesse renouvelé surpasse aussi celle de l'atmosphère « en conserve » nourri de microparticules passé par les filtres encrassés de nos clims.

Simple et plein d'avenir
Pourrait-on remplacer les climatiseurs hideux et monstrueusement énergivores qui mitent les façades des logements de nos métropoles? À l’heure où nos centre-villes anciens et minéralisés se révèlent particulièrement vulnérables au réchauffement climatique et au phénomène résultant des îlots de chaleurs, la technique du bâdguir peut apparaître adaptée à des zones plus tempérées, en ajoutant un clapet qui permet de les fermer l’hiver. Ces tours « réfrigérantes », très répandues dans l’industrie, pourraient trouver un large usage domestique... et le trouvent en fait déjà, notamment au Royaume-Uni et aux Pays-Bas ! Adaptées aux climats chauds et neutres en énergie, pas besoin de chercher très loin pour leur garantir un avenir !