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abécédaire du logement

C comme Confinement

Le lien est récent. L’avenir dira s’il était conjoncturel. Ou bien si confinement rimera désormais avec logement. En 2020, d’un bout à l’autre de la planète, plusieurs milliards de personnes ont été renvoyées à leurs pénates, cloitrées chez elles, plus ou moins strictement et plus ou moins longtemps. Enfermées, entre 4 murs, dans un espace souvent trop petit pour accueillir, 24 heures sur 24, tous ses occupants, y travailler, y faire l’école, du sport et la cuisine. Qui a le premier employé ce mot ? "Confinée" se dit «d'une population animale trop nombreuse dans un espace trop restreint», ce qui renvoie parfaitement au sentiment d’oppression que peuvent provoquer des séjours trop longs dans l’espace souvent exigu de l’habitat en ville. Le terme était jusqu’alors plus usité, d’après la sémiologue Mariette Darrigrand, dans la sphère juridique et pénitentiaire, donc punitive. Cette connotation renvoie aux anglo-saxons, plus directs -ou plus francs- qui emploient le «lockdown», et même «The Great Lockdown» pour évoquer la période, en assumant la dimension, coercitive et brutale d’enfermement et de verrouillage. Le mot a suivi le virus autour du monde pour s’imposer au détriment des expressions locales. Le «lockdown» a pris de nombreux accents. Pas en France. Nous avons conservé notre confinement. Il n’a rien d’agréable, alors qu’un «chez-soi» devrait l’être, tant ce terme contient d’intimité et d’identité.

Cette injonction à y rester était sidérante début 2020, lorsqu’elle fut d’abord déployée en Chine, à l’échelle de mégalopoles de plusieurs millions d’habitant.e.s, «aux confins» d’un monde que l’on regardait de loin et, avouons le, un peu goguenards. Elle l’est devenue plus encore quelques mois plus tard lorsque des pays entiers ont été comme figés par l’interdiction au plus grand nombre de sortir de chez soi. Pour se mettre à l’abri ou pour sauver des vies, selon la teneur du message politique jugé le plus efficace. Le confinement saison 1 a renvoyé chacun.e à sa condition d’habitant.e, faisant ressortir pour les un.e.s, le confort d’un lieu choisi et aménagé avec soin, pour les autres, la promiscuité, le manque d’intimité, l’envie d’être ailleurs. Faisant des logements des refuges ou des prisons, dans lesquels, selon son lieu de résidence ou ses revenus -ce qui va souvent ensemble-, le risque sanitaire n’était pas le même. «Au sein de la métropole du Grand Paris, l’épidémie au printemps a d’abord tué les personnes âgées des villes pauvres. L’habitat surpeuplé et souvent dégradé a joué un rôle décisif», expliquait Luc Ginot, le directeur santé publique de l'agence régionale de santé d'ile de France, au Monde. En sortaient les travailleurs.es «essentiel.le.s» au bon fonctionnement, des hôpitaux bien sûr, et de ces grandes villes qui ne tournent pas rond sans commerces alimentaires, ni réseau électrique, eau, ramassage des ordures... Etaient donc sémantiquement exclu.e.s de cette «utilité essentielle» tou.te.s ceux/celles sommé.e.s de rester «au foyer», y compris les femmes ainsi nommées, quand elles arrêtent de travailler pour élever leurs enfants. Pour tou.te.s, le moment a aussi été celui d’une apnée de 55 jours au coeur d'une vie personnelle privée des soupapes habituelles, les autres et l’ailleurs.
Rester chez soi a été l’occasion d’observer que notre habitat n’est pas toujours pensé pour justement être... habité. Chambres exiguës, bureaux ou espaces de travail inexistants, cuisines ouvertes et trop petites, manque de lumière, absence d’un balcon digne de ce nom, ou d'un jardin... Tous ces défauts nous ont subitement sauté aux yeux, révélant de façon frappante, ce dont nous manquons, et, en creux, la faiblesse de l’innovation et la médiocre qualité des appartements construits depuis plusieurs décennies. Paradoxalement, le confinement fut un révélateur qui devait pousser à faire mieux, au cas où... peut-être un jour, il se reproduirait.