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F comme Foncier

Le "foncier" a le pouvoir magique de transformer sa valeur...

Comme foncier ou comme "F word..." ? Restons polis, mais tout de même, ce foncier est bien embêtant! Un vrai souci. Car il est presque toujours flanqué de quelques acolytes comme "pollué", "enclavé", et surtout ses deux inséparables, “trop" et “cher". Le foncier est toujours trop cher. Sinon, on emploie un autre mot et on parle d'un beau terrain, d'une parcelle, en laissant aux spécialistes de l’aménagement urbain ou de l’immobilier ce "foncier". Il sonne un peu technique et ôte à la terre toute la symbolique archaïque et poétique. La notion est pourtant simple: le foncier, c’est le sol, la condition même de toute construction, puisqu’il faut bien la poser quelque part. Mais ce mot-là n'évoque ni la douceur de l'herbe qui y pousse, ni le goût de la pomme qui finit toujours par tomber, il ne parle que d'argent. Car le foncier a un super-pouvoir, celui, selon l'endroit où il se trouve, de multiplier sa valeur.

Ce n’est évidemment pas le prix de la pelletée de terre à excaver qui varie, mais selon les documents d’urbanisme en vigueur dans le secteur, ce que l’on peut construire sur ces mètres carrés. Un projet d’immeuble et un PLU transforment ainsi le foncier en "charge foncière" ou en "droits à construire", qui représentent la surface constructible maximale autorisée, et déterminent son prix. L’alchimie est d’autant plus troublante qu’une fois bâti, le "foncier" disparait, mêlé à la valeur intrinsèque du bâtiment, jusqu’à son éventuelle démolition. Le cycle magique peut alors recommencer.

Selon que sa parcelle est située en rase campagne où personne ne veut vivre, ou bien au coeur d’une agglomération où tout le monde se précipite et où les promoteurs se livrent une concurrence acharnée, selon la hauteur ou le volume autorisés, le vendeur de foncier verra ses gains s’envoler. Et aura tout intérêt à céder son terrain à celui qui lui offrira le plus gros chèque. A priori, un promoteur capable de bâtir un immeuble de 4 étages plutôt que son voisin désireux d’agrandir sa propriété. Est-ce juste? Ce n’est pas une question que se pose la spéculation immobilière qui encourage cette "rente", elle aussi "foncière". Elle désigne le prix atteint par des terrains qui, sans bouger -par définition-, profitent de tout ce qui se passe autour d’eux: changement du plan local d’urbanisme qui transforme en un secteur constructible une zone jusque là réservée aux betteraves, arrivée d’une route, d’une gare ou d’un métro... Ces décisions politiques, publiques et financées par la collectivité, (c'est à dire nous), ont ainsi presque toujours pour effet de faire exploser les prix de foncier, augmenter les prix de vente des bâtiments construits dessus, tout en enrichissant des propriétaires qui parfois n’en attendaient pas tant.

Le foncier est-il condamné à être toujours “plus“ ou “trop“ cher? La main invisible du marché peut tasser les prix, si la demande disparait ou si des nuisances provoquées par exemple par le changement climatique rendent des terres,-même constructibles- inhabitables. Des gestes politiques et autoritaires peuvent aussi limiter le prix des terrains à vendre, dans des secteurs d’aménagement. Mais plus l’urbanisation se développe, plus le foncier devient rare, là où il est convoité. Et plus les promoteurs sont prêts à le payer cher sans menacer leurs bénéfices, puisqu'ils répercutent cette valeur du sol dans les prix de vente des bâtiments construits dessus. ce qui mène à un intéressant syllogisme faisant de l'achat d'un foncier toujours une bonne affaire: après tout, ce qui est rare est cher, un foncier bon marché est rare donc un foncier bon marché est cher, mais vaut le cou(t)... CQFD.