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30.08.2022
abécédaire du logement

L comme Loggia

Loggia animée au gré de l'ensoleillement. 49 logements à Paris. Bigoni et Mortemard pour Elogie-Siemp. Crédit photo : Bigoni et Mortemard

Roméo et Juliette auraient-ils connu une fin si tragique si la fille de la Maison Capulet avait demandé au fils Montaigu d’abdiquer son nom, depuis une loggia ? L’aurait-il aussi bien vue, entendue ? Elle le fit depuis un balcon et cela a peut-être à voir avec la postérité de cette histoire. Car cette petite dalle débordant de la façade d’une construction, a justement pour fonction de mettre en avant, celui ou celle qui s’y tient et vers qui tous les regards convergent. Aussi divers que le Pape bénissant les pèlerins depuis le balcon de la Basilique Saint-Pierre de Rome ; Michael Jackson, en roi de la pop, présentant son nouveau-né à la foule de fans massée au pied de son hôtel berlinois en 2002 ; « Je vous ai compris » lance le Général de Gaulle depuis le balcon du Palais du Gouvernement à Alger en 1958. Tous les châteaux ont des balcons pour que les familles royales puissent, d’un petit geste ou d’un sourire, contenter les badauds agglutinés dessous. C’est parfois de ces mêmes perchoirs que sont proclamées les révolutions. Les lieux demeurent aussi célèbres que les évènements qui s’y déroulent, car en ville, comme à l’opéra ou au théâtre, le balcon tient un rôle ambivalent : celui de donner à voir autant que d’offrir une vue imprenable.

Au panthéon des loggias, quelques belles pièces aussi
La loggia, n’a ni les mêmes atours ni le même rôle. Redevenue française après être passée par l’Italie, cette « galerie à colonnes », ordinairement construite sur un côté des palais italiens pour servir de lieu de loisir, c’était d’abord, une loge, venue elle aussi du théâtre et que l’on confond souvent dans le langage courant avec un… balcon. La loggia est pourtant moins vaniteuse, car construite en creux dans la façade. Ouverte sur l’extérieur, elle expose moins qu’elle ne protège, de la vue et des intempéries. Elle aussi a ses célébrités, comme « le balcon de l’Etat » qui désigne la majestueuse loggia de l’Hôtel de la Marine sur la place de la Concorde à Paris, restaurée en 2009, ou celle qui habille la façade du Palais Garnier ; à Florence, l’incontournable loggia des Lanzi, ou loggia de la Seigneurie sur la place du même nom, donne un toit au faste statuaire composé notamment de L’Enlèvement des Sabines (1579-1583) de Jean Bologne. Dans l’architecture moderne à la sobriété lisse, la loggia est un élément parfait. Elle habille sans que cela se voit bon nombre des grands ensembles et des immeubles construits dans les années 70.

Une pièce en plus ?
Un plancher et un plafond, trois murs, une ouverture vers l’extérieur qui apporte ventilation et vue… n’y aurait-il pas là, avant les fonctions d’apparat, de quoi ajouter à sa maison une pièce en plus ? Voilà en tout cas de précieux mètres carrés, alors que la taille moyenne des logements a diminué, en ville, en France au cours des dernières décennies. Une table et des chaises pour déjeuner, un matelas ou un lit dans les pays chauds où les régions qui le deviennent, et cet espace devient une cuisine extérieure, une salle à manger d’appoint, une chambre d’ami. Au Liban, de grands rideaux permettent d’y conserver l’ombre et un semblant de frais. L’architecture contemporaine dote souvent les loggias de volets ou de panneaux coulissants qui dessinent des façades mouvantes. Cet espace quasi clos fait aussi parfois office de cave ou de cellier quand les placards manquent. Depuis la rue, le bric-à-brac entassé se voit moins que sur un balcon, et surtout la loggia peut en supporter beaucoup plus. Intégrée à la structure de l’immeuble, elle n’est pas soumise comme le balcon aux limites du porte-à-faux. Elle ne peut pas tomber !
L’article R111-2 du Code de la construction et de l’habitation définit précisément cette surface entre extérieur et intérieur : même dotée d’un point d’eau et de prises électriques, elle ne compte pas dans la surface habitable d’un logement sauf si elle est close par des baies vitrées. Elle devient alors une pièce à part entière, habitable au sens de la loi Carrez selon la Cour de cassation, saisie à ce sujet à de nombreuses reprises. La différence entre ces mètres carrés « non habitables » souvent très habités, tient alors à leur prix, beaucoup plus élevé, lorsqu’ils rentrent dans le calcul de la surface du logement vendu.

Un instrument pour l’adaptation des logements au changement climatique
Tous ces avantages octroient à la loggia quelques longueurs d’avance, pour l’adaptation des logements au changement climatique. Car elle peut aussi servir d’espace tampon, entre un balcon et l’intérieur de l’appartement. Le système mis en œuvre dans plusieurs projets des architectes Lacaton-Vassal permet de mieux isoler l’intérieur qui exige alors moins de chauffage et offre un usage intermédiaire dans un espace très lumineux. La Charte de la construction durable de la Ville de Marseille la classe comme un élément « d’architecture bioclimatique méditerranéenne ». La référence était toute trouvée : les loggias qui prolongent chacune des pièces à vivre de la machine à habiter, la Cité Radieuse bâtie par Le Corbusier à Marseille en 1952, sont pensées comme des brise-soleils. Le fada ne l’était pas tant que ça, les loggias contribuent au confort thermique en été comme en hiver et remplissent une fonction de modulation de la lumière. Ajoutons que la loggia provoque moins de ponts thermiques et est moins coûteuse à construire que le balcon, cet élément-clé du répertoire de l’architecte a de beaux jours devant lui.