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L'hébergement, un secteur en expansion perpétuelle

LA GAZETTE DES COMMUNES, SOPHIE LE RENARD

Le sociologue Julien Damon a réalisé une étude inédite pour IDHEAL (Institut des hautes études et d'action dans le logement) sur les multiples structures d’hébergement qui prennent une part exponentielle dans la politique du logement, une mise en perspective de cette question complexe.

« Être hébergé c’est ne pas avoir le droit d’héberger. » Telle est la caractéristique commune des nombreux types de publics qui sont hébergés. Non titulaires d’un bail, un million de personnes sont logées de cette façon.

En effet, sous le vocable « hébergement », il existe de multiples profils accueillis : des sans-domicile fixe (SDF), des demandeurs d’asile, des travailleurs sans-papiers mais aussi des jeunes actifs, des étudiants, des personnes handicapées ainsi que des personnes âgées dépendantes. Le sociologue Julien Damon, s’est penché sur ce secteur si particulier qui est devenu un sujet majeur faisant souvent irruption dans l’actualité. Ce professeur à Sciences Po, à HEC et à l’École nationale supérieure de sécurité sociale a réalisé une étude inédite pour IDHEAL, intitulée « Héberger, c’est loger ? Aux frontières du logement ordinaire » afin de mettre en perspective cette question complexe et riche de l’hébergement.

Il s’est penché sur la complexité de ces multiples structures pour les publics certes différents, mais qui peuvent selon les places disponibles passer d’un lieu à l’autre. Il s’agit (liste non exhaustive) des centres d’hébergement d’urgence, de réinsertion sociale (CHRS), centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) mais aussi de nuitées à l’hôtel, les résidences sociales, étudiantes, jeunes actifs, les EHPAD, les résidences autonomie, etc. « Il n’est pas toujours facile de savoir de quoi on parle. Les opérateurs comme les services de l’État n’ont pas toujours le même vocabulaire ni le même périmètre. Il s’ensuit des chiffrages différents sur ce que ces mots et signes désignent et sur ce qui alimente le débat public» déplore le chercheur, qui met en évidence une part de plus en plus importante de l’hébergement tant en termes d’offres que de financements publics.

Ainsi l’offre d’hébergement pour les personnes défavorisées représentait 1 % de l’offre HLM en 1990, c’est aujourd’hui 5% et cela monte à 10 % avec le logement accompagné et même 20% avec l’ensemble du secteur médico-social. Autres chiffres significatifs, l’hébergement qui inclut des dépenses de prestations sociales et sanitaires, équivaut à 2 % du PIB et 3 % de l’emploi. Ces proportions ont doublé en une trentaine d’années. « Par rapport aux dépenses publiques, 1/5 de la politique du logement est destiné à l’hébergement. Donc, nous pouvons considérer que l’Etat fait beaucoup plus pour l’hébergement que pour le logement. Depuis les années 90, le logement social a cru, mais pas dans les mêmes proportions» constate-t-il.

L’Etat paie chaque soir 100 000 places d’hôtel, notamment pour les demandeurs d’asile. « 20% des nuitées hôtelières en France sont financés ainsi. Cela représente 17€ par nuitées et par personne. En 1995, ce type d’hébergement n’existait pas » précise Julien Damon. L’hébergement d’urgence est principalement concentré en Île-de-France, même il y existe des centres de type CADA, dans certaines villes de province, les préfectures en particulier. Dans certaines structures comme les centres d’hébergement et d’insertion, il y a un encadrement social. Car un des objectifs est la sortie des publics hébergés vers un habitat ordinaire. Le plan quinquennal « le logement d’abord » pour les personnes sans-domicile ne permet pas encore de renverser la tendance. « Il n’y a pas assez de logements pour envisager cette option. Les collectivités devraient avoir plus la main, car souvent il y a un renvoi de balle avec l’Etat » note le sociologue, qui prône plus de décentralisation et une européanisation de la question...