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Logement : comment les projets s'adaptent à la demande et aux nouveaux usages

L'OPINION, MÉRIADEC RAFFRAY

« De la surface. De la lumière. Des accès à l’extérieur ». Ces trois besoins ont obsédé beaucoup de Français bloqués dans les grandes métropoles durant le confinement dur du printemps de 2020, résume Catherine Sabbah, la déléguée générale de l’Institut des Hautes Etudes pour l’Action dans le Logement (IDHEAL). Mais « quoi d’étonnant quand on est enfermé ? » En fait, nuance l’experte, « on connaît mal la demande des ménages en matière de logement, surtout dans les zones tendues où le prix est déterminant ». Une demande qui tranche avec la réalité du parc. Sur ce point, l’étude menée par IDHEAL en 2021 sur un échantillon de 1 700 plans montre des tendances de fond : « À l’intérieur des logements, des cuisines qui rétrécissent et finissent pas n’occuper qu’un morceau de mur du salon, des chambres trop exiguës pour y caser un bureau. Des fenêtres d’un seul côté, pas idéal pour la luminosité ou la ventilation naturelle. Enfin, les espaces communs sont souvent inexistants ou insuffisants. Pourtant, ils permettent à la fois d’élargir les logements et de bénéficier de nouveaux services ».

Depuis la crise, confirme Manuel Colleaux, directeur général adjoint d’Altarea, deuxième promoteur immobilier français, « deux préoccupations principales animent nos clients : le bien-être et la santé à l’intérieur du logement ; la problématique environnementale à l’extérieur ». Partout en France, complète Helen Romano, vice-présidente du pôle résidentiel de Nexity, « nos clients attendent de la qualité, et pas seulement un logement mais un usage ». Les projets sont amendés en conséquence. Altarea présente la feuille de route de sa filiale Cogedim sous la forme de dix engagements, parmi lesquels : améliorer la qualité de l’air par des mécanismes de ventilation optimisés, l’installation de fenêtres oscillo-battantes, des peintures écologiques ; renforcer l’acoustique des cloisons séparant les zones « jour » et « nuit » ; systématiser les balcons. Dès que c’est possible, Nexity injecte du bois dans ses constructions. A l’extérieur, le vert est de mise partout : toitures végétalisées, pelouses et arbres dans les espaces communs.

La question de la surface disponible des logements est plus complexe à résoudre. Leur taille a eu tendance à diminuer sous l’effet du marché. Il a été beaucoup soutenu par le dispositif Pinel. En Île-de-France, celui-ci favorise les surfaces allant jusqu’à 60 m2. Il s’est aussi adapté au rétrécissement de la taille des ménages du fait des divorces et du vieillissement de la population, souligne Jean-Claude Driant, professeur à l’École d’urbanisme de Paris. Un ménage compte 2,3 personnes en moyenne. Au cœur des grandes métropoles, 55 % d’entre eux sont composées d’un seul membre. « Moins que la multiplication des petits appartements », poursuit son collègue Martin Vanier, « l’avenir semble plutôt résider dans la construction d’immeubles plus collectifs. C’est une réponse pertinente pour les jeunes, forcés à cohabiter, mais aussi pour les seniors. Le marché est encore prudent mais il a compris que l’économie de service est l’avenir ».

Espaces partagés et services connectés. Sur le modèle des résidences de service pour les touristes, étudiants ou seniors, qui aiguisent l’appétit des investisseurs, les promoteurs esquissent le logement de demain. Les futurs programmes vont s’enrichir de chambres d’hôtes ou d’amis, de salles de convivialité ou/et de télétravail, d’installations sportives. Simultanément, les gestionnaires de blocs entiers d’immeubles déploient de nouveaux services dématérialisés. Nexity a lancé son application Eugénie qui, depuis son smartphone, permettra de contrôler à distance les équipements connectés de l’appartement : lumières, volets roulants, thermostats et radiateurs, système d’alarme ou de télésurveillance. A Paris, la foncière Gecina teste des boîtes aux lettres connectées et partagées dans deux immeubles afin de remédier à la perte des colis.

Diversification, personnalisation et maîtrise des coûts : la seule limite de cette révolution est le risque de déshumaniser le rapport entre l’occupant des lieux et le gestionnaire. « C’est bien pris en compte par les professionnels de la gestion des immeubles qui savent combien la solitude affecte de plus en plus de personnes », affirme Claire Flurin, directrice R & D du groupe Keys Asset Management. Chez Gecina, la présence d’un YouFirst Manager (gardien d’immeuble) contribue à répondre au besoin de relations humaines en faisant le lien avec les personnes qui vivent dans ses immeubles. L’autre frein à la massification des services est réglementaire. « Industrialiser a une vraie utilité pour les locataires puisque cela diminue les coûts. Encore faut-il que la loi autorise le gestionnaire à leur facturer les services. Or, en la matière, la législation est ancienne et manque de cohérence », note Pierre-Emmanuel Bandioli, directeur exécutif résidentiel de Gecina. Le principal décret qui encadre la liste des charges récupérables date de 1987 et n’a jamais été toiletté. Conséquence, selon son statut, un gestionnaire peut - ou non - facturer de la vidéosurveillance, une connexion internet ou encore des opérations de dératisation des immeubles.