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M comme Mètre Carré

Ce n’est pas bien grand un mètre carré, une grande taie d’oreiller, un carré d’un mètre de côté. Mais cette surface a tendance à fuir les villes denses à tire-d’aile. Au point qu’aménageurs et promoteurs courent toujours derrière, prêts à dépenser des fortunes pour en attraper quelques-uns. Le plus simple consisterait évidemment à aller les cueillir là où ils poussent en pagaille, les campagnes en sont pleines. Le hic, c’est que même petit, le mètre carré est intransportable. Il faut faire avec, là où il est. Or le mètre carré naturel a deux contraintes majeures. D’abord, il fait partie des réserves agricoles ou de terres non bâties qu’il faudrait laisser intactes, Ensuite, et malgré cette valeur refuge qu’on lui attribue désormais, loin des gares, des routes et des villes, il ne vaut pas un clou.

Bizarrement, le mètre carré pollué, se vend un peu mieux, à condition qu’il soit bien situé et briqué. Les villes ont grandi, absorbant peu à peu les terrains et les bâtiments des usines dont l’activité était reléguée plus loin. Ces anciennes halles, ces grands vides, ces «trous noirs» font d’excellents sites à rebâtir ou à rénover, malheureusement souvent bourrés de métaux lourds et d’hydrocarbures. Une fois frotté et astiqué, plus propre que jamais, le mètre carré industriel devient un intéressant placement. Le mètre carré bâti, plus ou moins ancien, à agrandir ou rénover ne fait pas toujours rêver les opérateurs. Ils aiment apercevoir l’horizon et imaginer le leur... Ici il faut faire avec l’existant, tenir compte du déjà là, d’un quartier, de bâtiments, et même d’habitants encombrants qui voudraient aussi donner leur avis. Ce mètre carré là, parfois un peu cabossé, pas très droit est pourtant désormais le plus abondant dans les villes.

Faut-il encore le mesurer. A Paris officie un notaire au nom prédestiné: depuis 1997, Maître François Carré, comme tous ses pairs, s’assure qu’un texte presqu'aussi géométrique que lui, est bien respecté lorsqu’il scelle la vente d’un appartement. La loi «Carrez», du nom de son rapporteur, prédestiné lui aussi, certifie que le nombre de mètres carrés vendus est bien le bon. Elémentaire... Il suffirait de prendre un mètre. Pas tout à fait, le législateur a tous les droits, même de changer la manière de faire des additions, dans le but utile, ont dû penser députés et sénateurs de l’époque, de ne compter -et donc ne payer- que la surface «habitable». Ainsi disparaissent les épaisseurs des murs, les surfaces où les grands ne tiennent pas debout, à moins d’un mètre quatre vingt, les balcons, les trémies d’escaliers, les embrasures de portes fenêtres...C’est faire bien peu de cas de tout un tas d’endroits bien réels. Des coins où l’on se sent bien, des greniers où l’on s’invente des vies, des balcons où l’on prend le soleil ou des nouvelles de son voisin, des entre-deux portes où l’on se cache, tout un univers spatial qui prend ces jours-ci une autre dimension. La loi ne s’applique d’ailleurs toujours pas aux maisons individuelles, sans doute trop pleines de ces recoins non mesurables donc inexistants? Etalon du prix de l’immobilier, le mètre carré a aplati tout ce qui fait l’unicité d’un chez soi et mené à la fabrication de boites de plus en plus carrée, simples et efficaces. A un marché dont le cours monte et descend selon les cycles économiques et n’a plus grand chose à voir avec le plaisir d’habiter. Faut-il passer au mètre cube, pour tenir compte des volumes ? Ou inventer une autre unité de mesure, le «mètre coeur» par exemple qui tiendrait compte pour fixer le prix d’un logement de quelques critères qui n’en ont justement aucun.