Actualités logement
23.09.2022
abécédaire du logement

W comme Water-Closet

Subodh Gupta, Monnaie de Paris 2018

C’est la plus petite pièce de la maison. Elle sert à tous, mais à un seul à la fois. Son statut est éminemment privé et pourtant tout le monde y va. On y passe ou on y reste, on doit parfois y filer. A l’anglaise? Indeed, to the “loo”. Les rapports franco-britanniques sont étroits sur ce sujet-là aussi: nous parlons de toilettes, mais aussi de WC pour “water-closet” parce que plusieurs sujets de Sa majesté ont inventé puis modernisé la chasse d’eau entre le 16ème et le 18ème siècle: un clapet et des tuyaux permettant de faire couler de l’eau et de l’évacuer en rinçant la cuvette. Devenu automatique, le mécanisme est bientôt installé dans un élégant meuble en bois servant surtout à masquer la plomberie. Avant ce grand progrès, les mêmes sujets d’Albion parlaient français (enfin c‘est eux qui le disent) en criant “Gardy loo”, “gardez vous de l’eau” une sorte de “TIMBER!!!” bien urbain, pour prévenir des vidanges de pots de chambre par la fenêtre…

Fertilisateur intégré
L’histoire domestique des toilettes est ancienne. Elle remonte à la sédentarisation des peuples qui en posant puis en connectant leurs maisons, leur ont fait une place. Alignés ou en cercle dans de grandes salles partagées, pour pouvoir discuter, les Romains passaient du temps assis sur ces plaques de marbre, une fois leur place chauffée par des esclaves. Les latrines furent aussi astucieusement disposées dans certains édifices médiévaux en Europe ou au Moyen-Orient, en hauteur et en porte à faux, pour profiter de la gravité. La matière, déversée plusieurs mètres plus bas, était récupérée parfois séchée, puis redirigée, via des canaux, vers des champs à fertiliser. Encore fallait-il utiliser ces lieux, ce que beaucoup plus tard à Versailles, peu se donnaient la peine de faire, préférant faire, justement, dans les petits coins ménagés par les encoignures de porte ou les épaisseurs des tentures.
Toilettes king size
Les monarques eux n'allaient pas sur le trône, leurs chaises percées venaient à eux. Le meuble a fini par se fixer dans une pièce, et passer de la cabane au fond du jardin ou du palier, à l’intérieur. Il a même grandi sous nos contrées. Depuis 2005 et la loi pour l'égalité des droits et des chances, ces lieux d’aisance méritent mieux leur nom. Agrandis pour pouvoir y accueillir un fauteuil roulant et lui laisser la place de faire demi-tour, ils peuvent parfois désormais abriter une bibliothèque, une armoire et d’autres usages. Se pose alors la question cruciale de savoir si les toilettes doivent être ou pas dans la salle de bain ? Et comment les ventiler dès lors que l’architecture contemporaine les a souvent rapprochées des noyaux centraux des immeubles et éloignées des fenêtres.
Confort et progrès
De la planche en équilibre instable aux toilettes japonaises, en passant par les turques, chacun a ses préférences. Le confort et le progrès sont incomparables en termes d’hygiène individuelle et collective, mais rien de très nouveau dans le principe qui rapproche étrangement, plusieurs fois par jour, notre intimité de celle de nos habitations, à travers un savant système de tuyauterie également dissimulé. L’objet lui-même que l’on pourrait appeler le terminal des départs n’évolue plus beaucoup : la cuvette fut décorée, posée puis suspendue, parfois transparente, dotée de services multiples comme des jets multidirectionnels et à température variable qui économisent le papier mais pas l’électricité, de canaux différents pour trier la récup.... Mais fondamentalement, un chiotte reste un chiotte.
Hygiène et santé
Nous, qui en bénéficions, devrions savourer notre bonheur tous les jours. Car ce confort et ce progrès, généralisés il y a une petite centaine d'années, manquent encore à près de la moitié de l’humanité. Le sujet a du mal à mobiliser les médias comme les responsables politiques, pourtant il est essentiel et l’Organisation des Nations Unies le rappelle chaque année, le 19 novembre, lors de la journée internationale des toilettes: “Il suffit que quelques membres d’une communauté n’aient pas de toilettes pour que la santé de tous soit menacée. Faute d’assainissement, les sources d’eau potable, les rivières et les cultures vivrières sont contaminées.” En 2017, plus de 4 milliards de personnes ne pouvaient utiliser des latrines reliées à une quelconque forme d'assainissement, 367 millions d’enfants fréquentaient des écoles sans toilette.