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08.02.2023
Presse

ZAN ou pas ZAN ?
Le Grand Poitiers, laboratoire de la sobriété foncière

FONCIERS EN DÉBAT

ZAN, trois lettres qui ont fait couler plus d’encre que de béton, pour un objectif qui interpelle les politiques d’urbanisme et d’habitat de tous les territoires. Le ZAN, fortement décrié par les territoires qui ne sont pas tous égaux dans leurs capacités à mettre en œuvre cet objectif national, pose la question de l’application aveugle aux situations locales d’une loi d’aménagement du territoire. L’ambition du ZAN est-elle globalisante ? A la fois nécessité de faire prendre conscience de l’urgence écologique associée à la consommation foncière et porteuse de plus de défis que ceux auxquelles elle entend répondre ?

L’analyse, certes avec peu de recul, de sa mise en œuvre dans la communauté urbaine du Grand Poitiers, quelques mois après son annonce, révèle un tableau nuancé. Gouvernée depuis 2020 par une coalition de gauche autour de l’écologiste Léonore Moncond’huy, maire Europe Ecologie-Les Verts de Poitiers, et de Florence Jardin, présidente divers gauche de la communauté urbaine, la collectivité avait, avant même la publication de décrets ou de circulaires ministériels, intégré le ZAN dans son agenda local et lancé la révision de ses documents d’urbanisme. L’objectif de sobriété, mot d’ordre de la municipalité pour l’ensemble de ses politiques locales, se traduit aussi dans le domaine foncier, poussant même la collectivité à interrompre des projets d’extension urbaine. Conformément à l’objectif du ZAN, la communauté urbaine cible prioritairement les espaces déjà urbanisés pour développer de nouveaux logements et des activités économiques, encourageant la réhabilitation de logements vacants et de friches industrielles. Elle est soutenue en ce sens par certaines associations locales, dont des mouvements écologistes radicaux qui militent pour que l’objectif soit inscrit dans le Plan local d’urbanisme de l’intercommunalité (PLUI) et pour que la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers soit définitivement actée. Signe de son volontarisme en faveur du ZAN, la métropole a remporté en 2021 l’appel à projets « Territoires pilotes de sobriété foncière » développé par Action cœur de ville (ACV), l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et le Plan urbanisme construction architecture (PUCA), faisant d’elle l’un des sept sites démonstrateurs en France en matière de lutte contre la consommation foncière.

La lutte contre l’étalement urbain est devenue l’un des principaux mots d’ordre des politiques d’aménagement. Depuis deux décennies, des outils législatifs et réglementaires plus nombreux et plus stricts visent à freiner l’urbanisation des terrains agricoles, naturels et forestiers, jugée responsable, notamment, de la détérioration des milieux naturels et de la biodiversité, de la réduction des capacités de production agricole, ainsi que de l’augmentation des émissions de carbone et des coûts d’infrastructure.

Parce que les acteurs locaux du Grand Poitiers n’ont pas attendu la définition par l’Etat de l’objectif ZAN pour mettre en œuvre une politique de sobriété foncière ambitieuse, cet exemple nous apporte une vision des enjeux que pourront poser le ZAN – avec toutes les contradictions qu’entraîne la mise en œuvre par des acteurs locaux d’un objectif défini par l’Etat. Un des arguments principaux mobilisé par les détracteurs du ZAN concerne le renchérissement des coûts du foncier et donc des prix de sortie, causé par la raréfaction des terrains à bâtir. Dès lors, quels leviers en matière de gouvernance urbaine et de développement territorial peuvent permettre de viser un objectif de sobriété foncière, dans la perspective du ZAN, tout en limitant les risques d’accroissement des inégalités territoriales et sociales ? Sans prétendre à l’exhaustivité, cette étude propose d’analyser la mise en place locale d’un dispositif qui a, jusqu’à présent, été principalement étudié sous l’angle national et à travers ses grands principes.

L’ambition affichée de sobriété foncière du Grand Poitiers est marquée par une mobilisation de la collectivité autour de l’objectif du ZAN qui ne fait pas consensus. Si la mise en œuvre de cet objectif pose des défis majeurs, elle peut également être à l’origine d’un renforcement de la gouvernance urbaine, par la nécessaire solidarité territoriale qu’implique sa mise en œuvre .